Comment
Moody's évalue le «AAA» de la France
En
mettant sous surveillance la perspective du «AAA» de la France,
l'agence de notation a promis de prendre position d'ici trois mois.
Explication sur une méthodologie si souvent contestée.
En
mettant sous surveillance la perspective du AAA de la France,
l'agence de notation Moody's a promis de prendre position d'ici trois
mois. Depuis, le gouvernement, les marchés, l'opinion publique sont
suspendus à cette décision cruciale. Elle sera prise à l'issue
d'un processus en trois grandes étapes, un peu plus compliqué que
l'élaboration du guide Michelin : entre la couronne du «AAA»
et triple bonnet d'âne du «C», il y a bien une vingtaine de
gradations subtiles, destinées à mesurer le risque de défaut d'un
État.
1-
Deux analystes supervisent la collecte d'informations
Moody's
dispose de sept bureaux en Europe, dont un à Paris, boulevard
Haussmann, où Jean-Luc
Mélenchon a déposé ses paniers d'«andouillettes AAAAA»
le mois dernier. Selon nos sources (Moody's se refuse à divulguer ce
type de détails), deux analystes - un «lead» et un «back-up»
dans le jargon - sont chargés de la France, supervisés par un
responsable régional de la dette souveraine européenne et un
responsable global. L'analyste numéro un pour la France est un
Allemand francophone, basé à Francfort. «Ce sont des équipes
expérimentées (15 ans en moyenne), multinationales car il est
essentiel de pouvoir assurer la comparaison des notations entre les
pays», souligne un proche de l'agence. Le rôle des analystes, dans
un premier temps, est de collecter les informations brutes, auprès
de l'agence France Trésor, chargée de la gestion de la dette, du
ministère des Finances ou encore de la Banque de France. Ce travail
est complété par des prévisions macroéconomique internes et une
recherche de données plus spécifiques sur les banques ou le tissu
économique en général.
2-
Les données sont intégrées dans un modèle d'analyse maison
Tous
ces éléments sont ensuite moulinés dans un modèle d'analyse
propre, que Moody's baptise sa «méthodologie». Ce texte fondateur
est publié sur son site interne et s'applique à tous les pays.
«Cette méthodologie très rigoureuse contrebalance le fait que le
travail d'analyse est fait par un petit nombre de personnes»,
commente un expert. Cette grille d'analyse prend en compte des
paramètres quantitatifs - de la structure de la dette aux
statistiques économiques - mais aussi des critères
qualitatifs, comme la marge de manœuvre politique d'un gouvernement.
3-
Le comité d'une quinzaine de sages attribue la note
En
fonction de leurs conclusions, les analystes - ou les
responsables du métier voire un haut gradé de l'agence -
peuvent convoquer un comité de notation, seul habilité à dégrader
(ou relever) une note. Ce comité d'une quinzaine de membres est à
géométrie variable selon la situation. Il est organisé pour
susciter un débat contradictoire. La décision se prend à la
majorité, chaque membre bénéficiant d'une voix. Le choix de
pointer la perspective de la France, le mois dernier, montre bien que
ce comité marche sur des œufs compte tenu de l'implication
désormais considérable de ses choix. Si le comité de notation
décide de modifier son opinion, il prévient l'État concerné
douze heures avant de publier un communiqué.
L'opération
«andouillette» de Mélenchon chez Moody's
Le
candidat du Front de gauche à la présidentielle a livré des
«andouillettes AAAAA» aux employés de l'agence de notation.
Belle opération de
communication pour Jean-Luc
Mélenchon
qui s'est rendu vendredi au siège parisien de l'agence de notation
Moody's, boulevard Haussmann à Paris. Le candidat du Front de
gauche, l'alliance de la gauche radicale, était accompagné d'une
vingtaine de militants qui scandaient dans le hall de l'entreprise:
«AAA, nous ne sommes pas des andouillettes!».
Des
andouillettes ont d'ailleurs été offertes à des employés de
l'agence américaine qui
a mis la note de la France sous surveillance pendant trois mois.
Ces agences pour Jean-Luc Mélenchon sont «des bandes de vampires»
qui «obligent des gouvernements serviles à se mettre à genoux
devant eux». Avec cette action coup de poing, le député européen
et co-président du Parti de gauche entend «faire peur» aux
agences, «leur montrer que nous sommes en France, que nous avons la
tête dure et que l'on n'égorge pas les gens impunément.»
Dans
le hall commun à plusieurs entreprises ou une plaque en cuivre
discrète indique l'agence de notation, un cadre, chargé de
portefeuille, a commenté : «C'est facile pour les politiques de
venir critiquer les agences qui ne sont que des reflets de la
situation… » Jean-Luc Mélenchon promet d'autres initiatives de ce
type pendant sa campagne.
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