mardi 18 décembre 2012

Les agences de notation, mode d'emploi.

Ces articles sont parus dans le Figaro du mois d'octobre 2011 (voir références à la fin de chaque article)
Comment Moody's évalue le «AAA» de la France 
En mettant sous surveillance la perspective du «AAA» de la France, l'agence de notation a promis de prendre position d'ici trois mois. Explication sur une méthodologie si souvent contestée.
En mettant sous surveillance la perspective du AAA de la France, l'agence de notation Moody's a promis de prendre position d'ici trois mois. Depuis, le gouvernement, les marchés, l'opinion publique sont suspendus à cette décision cruciale. Elle sera prise à l'issue d'un processus en trois grandes étapes, un peu plus compliqué que l'élaboration du guide Michelin : entre la couronne du «AAA» et triple bonnet d'âne du «C», il y a bien une vingtaine de gradations subtiles, destinées à mesurer le risque de défaut d'un État.
1- Deux analystes supervisent la collecte d'informations 
Moody's dispose de sept bureaux en Europe, dont un à Paris, boulevard Haussmann, où Jean-Luc Mélenchon a déposé ses paniers d'«andouillettes AAAAA» le mois dernier. Selon nos sources (Moody's se refuse à divulguer ce type de détails), deux analystes - un «lead» et un «back-up» dans le jargon - sont chargés de la France, supervisés par un responsable régional de la dette souveraine européenne et un responsable global. L'analyste numéro un pour la France est un Allemand francophone, basé à Francfort. «Ce sont des équipes expérimentées (15 ans en moyenne), multinationales car il est essentiel de pouvoir assurer la comparaison des notations entre les pays», souligne un proche de l'agence. Le rôle des analystes, dans un premier temps, est de collecter les informations brutes, auprès de l'agence France Trésor, chargée de la gestion de la dette, du ministère des Finances ou encore de la Banque de France. Ce travail est complété par des prévisions macroéconomique internes et une recherche de données plus spécifiques sur les banques ou le tissu économique en général.
2- Les données sont intégrées dans un modèle d'analyse maison 
Tous ces éléments sont ensuite moulinés dans un modèle d'analyse propre, que Moody's baptise sa «méthodologie». Ce texte fondateur est publié sur son site interne et s'applique à tous les pays. «Cette méthodologie très rigoureuse contrebalance le fait que le travail d'analyse est fait par un petit nombre de personnes», commente un expert. Cette grille d'analyse prend en compte des paramètres quantitatifs - de la structure de la dette aux statistiques économiques - mais aussi des critères qualitatifs, comme la marge de manœuvre politique d'un gouvernement.
3- Le comité d'une quinzaine de sages attribue la note 
En fonction de leurs conclusions, les analystes - ou les responsables du métier voire un haut gradé de l'agence - peuvent convoquer un comité de notation, seul habilité à dégrader (ou relever) une note. Ce comité d'une quinzaine de membres est à géométrie variable selon la situation. Il est organisé pour susciter un débat contradictoire. La décision se prend à la majorité, chaque membre bénéficiant d'une voix. Le choix de pointer la perspective de la France, le mois dernier, montre bien que ce comité marche sur des œufs compte tenu de l'implication désormais considérable de ses choix. Si le comité de notation décide de modifier son opinion, il prévient l'État concerné douze heures avant de publier un communiqué.
L'opération «andouillette» de Mélenchon chez Moody's
Le candidat du Front de gauche à la présidentielle a livré des «andouillettes AAAAA» aux employés de l'agence de notation.
Belle opération de communication pour Jean-Luc Mélenchon qui s'est rendu vendredi au siège parisien de l'agence de notation Moody's, boulevard Haussmann à Paris. Le candidat du Front de gauche, l'alliance de la gauche radicale, était accompagné d'une vingtaine de militants qui scandaient dans le hall de l'entreprise: «AAA, nous ne sommes pas des andouillettes!».
Des andouillettes ont d'ailleurs été offertes à des employés de l'agence américaine qui a mis la note de la France sous surveillance pendant trois mois. Ces agences pour Jean-Luc Mélenchon sont «des bandes de vampires» qui «obligent des gouvernements serviles à se mettre à genoux devant eux». Avec cette action coup de poing, le député européen et co-président du Parti de gauche entend «faire peur» aux agences, «leur montrer que nous sommes en France, que nous avons la tête dure et que l'on n'égorge pas les gens impunément.»
Dans le hall commun à plusieurs entreprises ou une plaque en cuivre discrète indique l'agence de notation, un cadre, chargé de portefeuille, a commenté : «C'est facile pour les politiques de venir critiquer les agences qui ne sont que des reflets de la situation… » Jean-Luc Mélenchon promet d'autres initiatives de ce type pendant sa campagne.

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